Publiée dans la revue Royal Society Open Science le 15 juillet dernier, une étude menée par l’Ifremer en collaboration avec plusieurs partenaires, notamment la société Véga Industrie et l’Université de Polynésie Française, a montré que la perle est animée d’un mouvement de rotation pendant sa formation au sein des tissus de l’huître. Les scientifiques ont pu le prouver expérimentalement en utilisant un magnétomètre.
Un dispositif expérimental innovant : l’utilisation du champ magnétique
La forme parfois parfaitement sphérique des perles laissait supposer que lors de sa formation, le nucléus – l’élément autour duquel se forme la perle-, subit un mouvement circulaire. Compte tenu de la difficulté à réaliser des observations au sein même des tissus de l’animal, il était jusqu’ici difficile de le prouver. Les chercheurs ont eu l’idée d’observer des perles en formation sur des perles de culture, depuis l’extérieur de l’animal, en enregistrant les variations du champ magnétique. Des nucléus magnétiques de 6,6mm de diamètre ont ainsi été introduits dans plusieurs huîtres d’élevage Pinctada margaritifera.
« Après une période de 4 semaines dans le lagon de Vairao au sud-est de l’île de Tahiti (Polynésie Française), nécessaire pour s’assurer de la prise du greffon, nous avons placé ces huitres en position horizontale ou verticale dans un globe en plexigas fixé au fond d’un aquarium » souligne Yannick Guéguen, chercheur à l’Ifremer et premier auteur de la publication. Ensuite, les huîtres ont été suivies à l’aide d’un magnétomètre ultra sensible, au sein du Centre Ifremer du Pacifique, basé à Tahiti. De cette façon, la rotation du nucléus, donc de la perle, a pu être mesurée toute les demi-secondes. Durant tout l’enregistrement, de 1 à 50 jours, l’eau de l’aquarium a été enrichie en micro-algues et en oxygène pour simuler les conditions du milieu habituel.
Une croissance en deux étapes
Le traitement mathématique des données a permis d’aboutir à des valeurs de vitesse de rotation des perles. Durant les 40 premiers jours en moyenne, jusqu’à ce que les cellules épithéliales du greffon se soient développées, la perle est animée de mouvements chaotiques, interrompus régulièrement par des périodes d’immobilité. Mais peu à peu, ces mouvements deviennent plus permanents, avec toutefois de fortes variations d’intensité selon les individus qui peuvent entraîner la formation de défauts. La vitesse de rotation moyenne a été établie à 1,27 degré d’angle par minute, ce qui correspond à un tour complet en 4h43, avec des variations importantes (de 2h51 à 15h pour les valeurs extrêmes). Pendant 12 à 18 mois, durant tout le processus de formation de la perle, alors que l’épithélium du sac de perle continue à produire de la nacre, la rotation se poursuit.
Les mystères de la perle, l’unique pierre précieuse produite par un être vivant
On sait que la formation de la perle est provoquée par une blessure du manteau de l’animal ou l’intrusion d’un élément étranger. Des cellules de l’épithélium se retrouvent dans le tissu conjonctif où elles se multiplient et forment un kyste appelé sac perlier. L’aragonite et des protéines sont alors produites par l’épithélium du sac perlier. Leur assemblage en couches de nacre est assuré par des mécanismes enzymatiques encore peu connus.
La capacité de la nature à générer des structures incroyablement complexes comme les perles est impressionnante. Avec ce travail, les détails biophysiques et moléculaires des processus de biominéralisation sont mieux compris mais les processus de fabrication de la nacre restent encore partiellement inconnus et doivent encore faire l’objet de recherches plus approfondies.
Quelles différences entre les perles naturelles et perles de culture ?
La perle naturelle est produite autour d’un kyste formé suite à une blessure. Pour produire des perles de culture, on introduit un nucleus dans le corps de l’huître. Le traitement le plus courant est de placer dans les gonades d’une huître un greffon constitué d’un nucleus accompagné d’un morceau du manteau d’une autre huître. Autour du nucléus se forme un épithélium qui commence alors à déposer des couches de nacre. La commercialisation intervient après une croissance d’au moins une année et une épaisseur de nacre supérieure à 0,8mm.