Dans une publication parue le 8 juin dans Nature Geoscience (1), des chercheurs de Météo-France et du CNRS (2) viennent de montrer que la neige recouvrant la calotte groenlandaise au printemps est moins « blanche » depuis 2009 à cause d’un accroissement des dépôts d’impuretés. Cet assombrissement a contribué à la récente fonte accélérée de la calotte et pourrait amplifier le changement climatique sur la calotte.
L’énergie solaire absorbée par la surface de la calotte groenlandaise dépend de la « blancheur » – ou albédo (3) – de la neige qui la recouvre. L’albédo varie essentiellement avec la taille des grains de neige et la quantité d’impuretés absorbantes contenues dans le manteau neigeux.
Grâce à des satellites observant la surface du Groenland dans le visible et l’infrarouge, Marie Dumont du Centre d’études de la neige du CNRM-GAME (CNRS/Météo-France) et ses collègues viennent de mettre en évidence que depuis 2009, la neige présente à la surface du Groenland au printemps et en été était moins blanche qu’auparavant. L’assombrissement estival est bien connu, il a déjà fait l’objet de précédents travaux ayant montré qu’il était un maillon d’une » boucle de rétroaction positive » du système climatique : sous l’effet du réchauffement climatique, la température estivale de la neige de surface augmente, ce qui entraîne un grossissement des grains de neige. Ce grossissement induit une diminution de l’albédo et donc une augmentation de l’absorption de l’énergie solaire par la surface qui amplifie le réchauffement initial.
La nouveauté concerne le printemps : cette étude montre pour la première fois que l’assombrissement est à cette saison lié à la présence croissante d’impuretés dans la neige. Les images satellites révèlent par ailleurs des impuretés « colorées » et non noires comme le carbone suie, ce qui indique qu’elles pourraient être constituées de poussières minérales. Les chercheurs avancent l’hypothèse que la poussière minérale rendue disponible par une fonte plus précoce de la couverture neigeuse saisonnière aux hautes latitudes serait transportée par le vent et se redéposerait sur la calotte groenlandaise.
La modélisation numérique permet en outre de conclure que cet assombrissement printanier a pu contribuer à la récente accélération de la fonte du Groenland. Il induirait en effet un réchauffement plus précoce de la neige de surface, ce qui renforcerait la boucle de rétroaction positive se mettant en place en été. L’augmentation possible du dépôt d’impuretés dans le futur doit donc être prise en compte dans les projections climatiques de l’évolution de l’état du Groenland et de son effet sur l’élévation du niveau des mers.
Ces travaux ont été soutenus par le projet ANR Jeune Chercheur MONISNOW. Ils ont également bénéficié du soutien du projet européen COMBINE. Le travail de terrain et l’analyse des données terrain ont été soutenus par l’ANR NEEM.
1 Contribution of light-absorbing impurities in snow to Greenland’s darkening since 2009. Nature Geoscience, http://dx.doi.org/10.1038/ngeo2180 2 Les laboratoires impliqués sont le CNRM-GAME (Météo-France/CNRS) et le LGGE (CNRS/Université Joseph Fourier Grenoble) 3 L’albédo est le rapport entre l'énergie solaire réfléchie par une surface et l'énergie solaire incidente. Il est égal à 0 pour un corps parfaitement noir et à 1 pour un corps parfaitement blanc.