« Regardez ce point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Dessus se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez jamais entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. La somme de nos joies et de nos souffrances. Des milliers de religions, d’idéologies et de doctrines économiques remplies de certitudes. Tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations. Tous les rois et paysans, tous les jeunes couples d’amoureux, tous les pères, mères, enfants remplis d’espoir, inventeurs et explorateurs. Tous les moralisateurs, tous les politiciens corrompus, toutes les “superstars”, tous les “guides suprêmes”, tous les saints et pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici… Sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.
La Terre est une scène minuscule dans l’immense arène cosmique. Songez aux rivières de sang déversées par tous ces généraux et empereurs afin que, nimbés de triomphe et de gloire, ils puissent devenir les maîtres temporaires d’une fraction… d’un point. Songez aux cruautés sans fin infligées par les habitants d’un recoin de ce pixel aux habitants à peine différents d’un autre recoin. Comme ils peinent à s’entendre, comme ils sont prompts à s’entretuer, comme leurs haines sont ferventes. Nos postures, notre soi-disant importance, l’illusion que nous avons quelque position privilégiée dans l’univers, sont mises en perspective par ce point de lumière pâle.
Notre planète est une poussière isolée, enveloppée dans la grande nuit cosmique. Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, rien ne laisse présager qu’une aide viendra d’ailleurs, pour nous sauver de nous-mêmes. La Terre est jusqu’à présent le seul monde connu à abriter la vie. Il n’y a nulle part ailleurs, au moins dans un futur proche, vers où notre espèce pourrait migrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Que vous le vouliez ou non, pour le moment, c’est sur Terre que nous nous trouvons.
On dit que l’astronomie incite à l’humilité et forge le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la vanité humaine que cette lointaine image. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue. »
Carl Sagan, Pale Blue Dot, 1994. Texte inspiré par la photo ci-dessus prise le 14 février 1990 par la sonde Voyager 1, alors qu’elle se trouvait à plus de 6 milliards de kilomètres de la Terre, au-delà de l’orbite de Neptune.
Carl Sagan était un astronome, écrivain et vulgarisateur américain né le 9 novembre 1934, et disparu (beaucoup trop tôt) le 20 décembre 1996. Entre beaucoup d’autres choses, on lui doit la série documentaire Cosmos, le livre de science-fiction Contact (adapté au cinéma avec Jodie Foster) et la création de la Planetary Society, qui est aujourd’hui la plus grande association à but non-lucratif dont l’objectif est de promouvoir l’astronomie et l’exploration spatiale auprès du grand public.
Fervent « supporter » de la vie extraterrestre, il a soutenu le programme SETI, et participé à plusieurs missions d’exploration spatiale, en étant notamment à l’origine des différents messages adressés à une éventuelle intelligence extraterrestre : les plaques des sondes Pioneer, ou le Golden Record de Voyager.
Merci pour tout !
J’adore cette photographie, probablement l’une des plus magnifiques de l’Histoire, venant comme un dernier regard avant de poursuivre sa route vers l’infini, dérivant à tout jamais parmi les étoiles. Des quelques soixante années d’exploration spatiale qui viennent de s’écouler, Voyager restera pour encore longtemps l’apothéose, tant ses retombées scientifiques furent colossales et passionnantes.
C’est fascinant de se dire en plus que le voyage de ces sondes continuera encore pour l’éternité et que même au bout des siècles, des millénaires et des millions d’années, alors que toutes traces de nous aura (probablement) disparu sur notre planète, ces vaisseaux seront eux toujours là, comme un témoignage de notre passage dans l’Univers.
Ce sont des odyssées merveilleuses comme celle-ci qui nous font aimer la science :).
Que l’homme prenne conscience qu’il n’est qu’une infime participation à ce qui se passe sur ce minuscule point bleu pale perdu dans l’Univers, et peut-être parviendra-t-il à cesser de tout détruire autour de lui, sinon c’est lui-même qu’il finira un jour par détruire.
Très beau texte philosophique, mais quand l’être humain prendra t’il conscience de la chance d’être vivant sur ce petit point ? Faudra t’il attendre que les générations futures en prennent pleinement conscience afin qu’il ne soit trop tard ? Esperont le, sinon l’espèce humain hélas contribuera à sa perte..
Quel beau texte !
Cela change de dimensions par rapport aux discours de Thunberg ou de Zemmour !
Comment c’est possible qu’une objet fabrique par l homme puisse prendre une photo à 6 milliard de kilomètres j avoue que je comprend pas comment c’est possible..
Bonjour, La sonde Voyager était dotée d’une caméra ce qui lui a permis de photographier Jupiter, Saturne et son satellite Titan. En 1990, la Nasa a orienté la sonde pour qu’elle sur son champ de caméra les planètes à plus de 6 milliards de km de distance et a pris une photo : la Terre apparaissait comme un petit point bleu … A Pale blue dot en Anglais, qui a été commenté par Carl Sagan, c’est le sujet de cet article.
Les poètes et les scientifiques savent que nous sommes sur un équilibre précaire que le moindre flux de particules un peu plus puissant et dirigé que les autres risque de compromettre. Je me réfère souvent à ce texte visionnaire.
En ces temps belliqueux où les haines submergent, alors il faudrait que nos regards s’unissent en un faisceau de certitudes tourné vers cet espace que nous pensons infini mais qui nous détermine.
Mais la vie est un entropie et l’intelligence ne sert pas si souvent de si nobles desseins.
L’espèce humaine sera la première à se faire disparaître elle-même….
Je suppose qu’il nous reste à peine une dizaine de générations
Ensuite notre planète redeviendra bleue….
Jusqu’à la prochaine espèce qui aura le malheur de pouvoir se parler….
Un vieux né avant la dernière guerre de 40/45